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Un étudiant en Lituanie

[Gastronomie] Skanaus !

Publié le 25 Mars 2014 par Diamant in Vie quotidienne, Bouffe

Celui qui mange bien, travaille bien

Proverbe lituanien

Assez de voyages, parlons gros, parlons bien : parlons bouffe. Ceux qui me connaissent n'ignorent pas le rapport quasi-fusionnel existant entre l'auteur de ces lignes et sa nourriture, cet article n'étonnera donc personne. De plus malgré les nombreuses références gastronomiques qui jalonnent ce blog, je n'avais jamais dédié à la cuisine locale l'article qu'elle méritait. Il est donc l'heure de corriger cette regrettable erreur.

Où que l'on aille dans le monde, on trouve toujours des spécificités gastronomiques locales qui font la fierté des locaux et la terreur des appétits étrangers un peu trop délicats. La Lituanie ne fait pas exception. Bien qu'elle soit loin d'égaler l'exceptionnelle variété de la cuisine française (cocoricooooo), la cuisine Lituanienne a selon moi quelques bons points pour elle.

Tout d'abord, c'est une CUISINE DE GROS. Mon avis ne sera pas partagé par tout le monde, et certainement pas par la partie la plus féminine de mon lectorat, mais j'aime bien la cuisine bourrée de calories. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que je suis servi. En fait une chose est certaine : la cuisine lituanienne, à défaut d'être diététique, est avant tout parfaitement adaptée pour survivre à l'hiver. Elle donne la part belle au gras comme on l'aime, et c'est peu dire : l'immense majorité des spécialités lituaniennes sont luisantes de graisse, frites à la poêle, enrichies de saindoux ou encore noyées sous la crème fraiche (quand ce n'est pas le tout à la fois).

En lituanien, "bon appétit" se dit Skanaus. Les lituaniens étant assez conservateur et croyants, la coutume du placement à la table familiale est encore souvent respectée : le père préside la table, sa femme de l'autre côté. A la droite du père se retrouve le fils aîné et les membres restants à côté de lui.

Toujours dans le rayon "tradition", il faut toujours commencer par placer le pain en premier sur la table (sous peine d'attirer le malheur). Si un visiteur arrive lorsque la famille est à table, celui-ci doit saluer la famille en disant "skanaus" (bon appétit). Si le père répond "prasom" (bienvenue), cela indique que l'invité peut se joindre à la table. Par contre si le père répond "aciu" (merci), alors le visiteur n'est pas invité à se joindre à table. Lorsque le repas est terminé, une cuillère retournée à l'envers veut dire que le repas était bon et que l'on a bien mangé. Personne ne quitte la table avant que tout le monde ait terminé de manger et ait remercié celui qui a préparé le repas, en général la même, qui en retour répond "I sveikata" (a votre santé).

Il s'agit là bien entendu du volet traditions, qui ne sont pas respectées partout loin de là... Inutile donc de se ronger les sangs pour le cérémonial la plupart du temps.


Les produits locaux sont, hélas, peu variés : la Lituanie a une terre assez pauvre et l'élevage n'est pas non plus énormément développé. Les ingrédients sont surtout des légumes et des céréales adaptées aux hiver froids, pour éviter de perdre bêtement sa récolte en cas de coup de froid intempestif : patates, betteraves, choux, orge, blé noir. Vivre en Lituanie, c'est aussi s'habituer à ingérer quotidiennement plus de patates et de betteraves que n'en consomme un kolkhoze en une année.

A tout seigneur tout honneur, commençons par le commencement, l'alpha et l'oméga du bon petit français, sa majesté le Pain. Hélas, le français exilé loin de son pays de cocagne devra apprendre à renoncer à son bon petit pain blanc car en Lituanie, les quelques pains "à la française" sont industriels et sans saveur. Car ici, les vrais bonhommes mangent du pain noir (Juoda duona en lituanien)

Le pain noir lituanien. Pas que ce soit mauvais, mais on s'en lasse vite et le manque de baguette se fait vite sentir.

Le pain noir lituanien. Pas que ce soit mauvais, mais on s'en lasse vite et le manque de baguette se fait vite sentir.

Le pain se mange seul (quand il est fortement parfumé, avec des céréales ou des graines de carvi par exemple) ou en tartine avec du beurre/fromage.

Les produits laitiers sont également très répandus en Lituanie, et les locaux passent littéralement leur temps à bouffer du yaourt. Conséquence sociétale : celui-ci est très rarement vendu en pots individuels comme en France, mais en briques de 1 à 2 litres ou en gros pots familiaux de 5 à 10 kilos. Les fromages sont aussi légions, mais assez étranges quand on est habitué aux formages français. Le Varške est une sorte de fromage frais sans trop de goût, qui ressemble un peu à de la ricotta. Les lituaniens s'en servent en assemblage pour faire des fromages plus élaborés, des gâteaux ou des crêpes fourrées au fromage. D'autres fromages sont un peu plus semblables à de l’emmental, d'autres encore à du parmesan ou du pecorino, mais tous un un nom imprononçable.

D'une manière générale, la crème et le beurre sont très riches. A titre d'exemple, la motte de beurre qui patiente dans mon frigo en attendant d'agrémenter mes pâtes atteint joyeusement les 82% de matière grasse.

La patate, boss final de la cuisine lituanienne, se retrouve absolument partout. On la consomme nature, bouille, sautée, au four. On en fait des sortes de pancakes à la patate (les Blynai) soit nature, soit farcis à la viande ou au fromage et servis avec de la crème fraiche, soit des gratins, soit des saucisses de patate (comme les allemands), soit des boules de pomme de terre farcies à la viande, les géniaux Cepelinai, la spécialité officielle du pays (et sans conteste le plat le plus gros approved (c) de la cuisine locale).

Cepelinai (littéralement: "zeppellin"), servi avec des cracklings et une sauce au yaourt. Sérieusement, c'est comme une patate farcie mais en bien plus énorme.

Cepelinai (littéralement: "zeppellin"), servi avec des cracklings et une sauce au yaourt. Sérieusement, c'est comme une patate farcie mais en bien plus énorme.

Les Blynai, cousins éloignés de la famille des cepelinai. Il s'agit en gros de grosses galettes de pomme de terre, farcies ou non. Ici, farcies au porc et servies avec de la crème.

Les Blynai, cousins éloignés de la famille des cepelinai. Il s'agit en gros de grosses galettes de pomme de terre, farcies ou non. Ici, farcies au porc et servies avec de la crème.

Coté fruits & légumes, c'est assez pauvre.

Du point de vue des fruits, c'est assez simple : le lituanien lambda, face à un fruit, ne se posera que deux questions :

- 1. Est-ce qu'on peut en faire une compote ou une confiotte ?

- 2. Est ce que ça se distille pour en tirer un alcool quelconque ?

Et c'est à peu près tout. Bien entendu, les marchés et grandes surfaces lituaniens regorgent comme partout de fruits importés, mais leur qualité est très souvent merdique. Le consommateur avisé se concentrera donc sur les pommes, les poires, les prunes, les groseilles et le cassis locaux ainsi que les alcools qui y sont associés (si si ça compte dans les "5 fruits et légumes par jour"). Heureusement, on trouve quand même à prix honnête des oranges et des grenades importées de Turquie ou d'Ukraine (encore que les grenades ukrainiennes aient tendance à être farcies de shrapnels ces derniers temps).

Du côté des légumes, c'est un peu plus intéressant. Les amateurs de choux trouveront leur bonheur, puisque ces saletés font leur nid dans presque tous les plats locaux, jusqu'à la garniture des kebabs. On s'en lasse un peu. Les betteraves sont produites en quantité prodigieuses par les fermiers lituaniens et quasiment aucun repas ne saurait faire l'impasse sur quelques unes de ces juteuses sources de vitamines. Le plat le plus fameux, c'est le saltibarscai, une soupe à la betterave et à la crème, servie froide en été et chaude en hiver. De façon surprenante c'est assez fin et très rafraichissant en été.

Le saltibarscai dété, servi froid avec une patate cuite à l'eau. C'est bon pour la ligne, disent les jeunes lituaniennes.

Le saltibarscai dété, servi froid avec une patate cuite à l'eau. C'est bon pour la ligne, disent les jeunes lituaniennes.

L'un des rares avantages d'habiter un pays recouvert de forêts et où il pleut presque tout le temps, c'est bien les champignons. Et les lituaniens en sont DINGUES. Dès que la saison est suffisamment avancées, de véritables armées de vieux sur le retour et des hordes de gamins rigolards envahissent les forêts pour ramener des kilos de champignons à la maison. L'amour proverbial des campagnards lituaniens pour les produits mycétiques aurait pu leur faire attribuer la célèbre devise des gardes-champêtres du Lot : "On a peut être donné nos juifs, mais jamais nos coins à champignon". En automne, il n'est pas rare de voir des petits vieux croulants installer des petits étals sur le bords de la route pour vendre des bolets de 5 kilos. La soupe de chanterelles agrémentée de crème légère est une véritable bénédiction.

Les lituaniens mangent une grande quantité de viande, principalement du porc. La préparation des viandes est souvent très grossière, la viande étant hachée, bouillie ou fumée. Les charcuteries sont assez bonnes et n'importe quelle brasserie vous servira d’excellentes saucisses locales. Ceci mis à part, la viande est souvent préparée en bouillie ou en beignets. Les poissons figurent parfois à la carte, notamment les poissons des lacs: la truite est omniprésente, tout comme la perche. Les pêcheurs de la côte contribuent également puisqu'on trouve partout le célèbre hareng de la baltique sous toute ses formes, ainsi que de très nombreuses variétés d’œuf de poissons (ikra), plus des brèmes ou des anguilles qui sont mangées séchées et salées à l'apéro.

L'apéro, parlons-en. Une bonne partie de la cuisine lituanienne est faite de snacks ayant pour rôle d'accompagner la bière : le plus connu étant le kepta duona, tranches de pain frites accompagnées d'ail et de fromage fondu, mais aussi de sélections de fromages (secs ou fumés), de charcuterie, de pois ou encore de petits calamars séchés et salés. Dans presque tous les bars et les brasseries, vous aurez la possibilité de commander à manger avec votre bière, le plus souvent un assortiment spécial bière (prie alus).

Un exemple de plateau de snack spécial bière de la brasserie Alaus Namai dans le centre de Vilnius : pain frit, pois, crackers, fromages fumés, saucisse sèche, lard, onion rings frits.

Un exemple de plateau de snack spécial bière de la brasserie Alaus Namai dans le centre de Vilnius : pain frit, pois, crackers, fromages fumés, saucisse sèche, lard, onion rings frits.

C'était tout pour aujourd'hui, à partir de maintenant d'avantage d'articles porteront sur la vie quotidienne à VIlnius. C'était Diamant en direct de la cuisine, à vous les studios.

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